Jackson POLLOCK

Abstraction gestuelle

"La peinture abstraite est abstraite, vous êtes confronté à elle".

Artiste américain né en 1912 , Jackson Pollock deviendra célèbre rapidement grâce à sa technique du "dripping" et ses grands formats. Il est le principal représentant d'un courant qualifié "abstraction gestuelle" ou "expressionnisme abstrait". Alcoolique, Il meurt dans un accident de voiture en 1956.

les débuts

Après la seconde guerre mondiale, certains peintres français réfugiés aux USA firent que les avant gardes, jusque là européennes, furent mieux connues des artistes américains. Pollock admirera surtout Matisse, Picasso, mais il sera aussi sensible aux œuvres et techniques des surréalistes, principalement Max Ernst et André Masson, le peintre surréaliste Français, dont le travail basé sur l'écriture automatique, la calligraphie sera une influence déterminante .

Pollock américain d'origine s'intéressera lors de ses études aux peintures rituelles des indiens Navaros , et à leur technique de dessins au sol, faits de sable coloré ,que l'on verse du creux de la main.
Pollock reprendra dans un premier temps dans ses toiles des formes symboliques personnelles, inspirées de la culture et des totems indiens , du cubisme, et simplifiera, décomposera son écriture des formes en signes, tel ci dessous "Sténographic figure".

le "Dripping"

A partir de 1947 Pollock abandonne l'utilisation classique du pinceau pour la technique du "dripping" Cette technique inspirée des œuvres surréalistes de Max Ernst et surtout d'André Masson consiste à laisser égoutter (to drip en anglais) de la peinture sur la toile à partir d'outils divers , pinceaux, bâtons de bois. La technique du "pouring" quand à elle consistera à verser directement la peinture du pot. La rapidité du geste est quand à elle dans la continuité du travail de Masson avec l'écriture automatique.
La découverte du dripping est reproduite de façon vraisemblable dans le film "Pollock" réalisé et interprété Ed Harris, un acteur américain : On y voit que par hasard, lors d'un moment d'absence, pris par sa réflexion intérieure alors qu'il contoure des formes, le pinceau de Pollock laisse couler la peinture au sol. Fasciné par la liberté de cette ligne fluide, le peintre en comprend aussitôt tout le potentiel et commence à s'en emparer , dessinant-peignant en un seul geste tout à la fois.

Pollock travaillera ainsi sur de grands formats , restituant l'ampleur de son geste, qui trace des arabesques , mêlant les formes sur une toile posée sur le sol : Procédant ainsi, il rompt aussi avec l'attitude traditionnelle du peintre face à son chevalet , regardant de face son sujet, pour un axe du regard plongeant dans la surface peinte elle même , tel que Monet l'avait initié avec ses nymphéas.
Le travail du peintre moderne n'est plus alors un regard porté sur l'extérieur pour être transcrit sur la toile, mais un regard intérieur porté sur la peinture et son effectuation , d'une expression abstraite, dégagée de toute référence au réel.
Pollock n'a pas d'un seul coup décidé de faire "du gribouillis abstrait" , cela est le fruit d'un travail, d'une recherche , qui l'ont fait choisir de passer d'une représentation figurative à des œuvres de plus en plus abstraites. C'est cette démarche qui fonde le fait qu'il soit révéré comme un artiste important , et le fait qu'il soit devenu alors le premier à proposer cette nouvelle façon de faire.

- Simplification de l'espace : Rabattement au plan :

Claude Monet avait déjà mis en évidence l'importance du geste dans la peinture moderne : les petites touches impressionnistes de ses toiles sont transformées avec Pollok un ensemble de gestes et de taches, de plus grande amplitude qui couvrent toute la surface totalement, en "all over" . Là où l'impressionnisme de Monet avait réduit la perception de la profondeur par la dilution des formes dans le bleuté atmosphérique,et annulé l'horizon, la distinction haut et bas dans ses nymphéas , le all over de Pollock propose au regard un espace pouvant se lire dans sa totalité par la taille de ses toiles englobant le regard , puis par le détail en se rapprochant. la technique du dripping ne permettant pas de privilégier un endroit ou un autre, chaque endoit précis étant de m^me facture que l'ensemble. le très grand et le très petit devenat similaires.

Pollock fera sienne cette technique nommée par la suite "Dripping " (to Drip =goutter), consistant à éliminer l'outil traditionnel qu'est le pinceau,, pour un bâton trempé dans la peinture ,qui , prolongeant son bras va allonger son geste. et donner un tracé plus primitif et aléatoire. Pollock sera obligé de travailler au sol, (changeant ainsi l'axe du regard frontal traditionnel du peintre face à un sujet, pour celui plus introspectif et surtout moderne , dirigé vers l'intérieur de la peinture.)

Ses toiles n'ont désormais plus de cadre qui "contient" , la peinture s'étale sur la totalité de la toile qui n'a plus de sens particulier.
Pollock vient d'inventer le "ALL OVER"

- Simplification des formes jusqu'à l'abstraction

Les formats de ses toiles vont devenir de plus en plus grands, englobant le regard jusqu'à sa périphérie, mettant le spectateur dans un espace de peinture , ou se révèle un univers de formes au gré de notre imagination et de notre interprétation .
L'Expressionnisme abstrait est né . Son succès en fera le premier courant d'avant garde américain avant le Pop Art .
La grandeur de ces toiles sera vue rétrospectivement comme le symbole de la nouvelle domination et influence des USA sur le marché de l'art mondial. L'Europe étant en ruines après la 2e guerre mondiale, les avant gardes artistiques qui venaient auparavant de France, vont désormais naitre principalement aux USA.

Influencé et inspiré de la culture primitive indienne (de la même façon que Picasso s'inspira pour créer le cubisme de l'art africain) Pollock pensera son travail comme étant avant tout une action, une "danse" expressive avec les forces de la vie . Cette transe-formation captant et restituant le chaos informel d'où naissent, surgissent et disparaissent les choses.
ses toiles sont ainsi lisibles comme un univers en formation, cosmique , ou un réseau de neurones, microscopique.
On peut tout autant les lire historiquement comme la continuité de Guernica, une destruction achevée des formes, traduisant le desarroi après les horreurs de la guerre et aussi du nazisme dont les méfaits et furent révélés à la fin de la guerre.

L'abstraction fut aussi , il faut le rappeler, une façon d'exprimer un refus de la réalité, des guerres qui déchirèrent la première moitié du XXe siècle. et de se recentrer sur l'absolu, l'essentiel , l'idéal qui furent toujours une quête de l'humanité.
Formellement d'ailleurs, on retrouve dans ces œuvres un retour vers un espace indéterminé dans lequel flottent les formes , comme au moyen age, ou dans l'antiquité.
On en revient ainsi au point zéro de la peinture , où ce mot désigne tant l'objet tableau que la matière utilisée.
la "projection" qui s'effectue est tout autant celle de la matière picturale qui rythme toute la surface que celle des images mentales qui se produisent lors de la lecture de ce réseau de lignes-taches cosmographique , univers de formes tout autant fusionnées qu'en devenir.

l'utilisation de peintures email achèvent aussi de marquer la contemporanéité .